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La Providence

Histoire des paroisses du Diocèse de Nîmes.

par l’Abbé Goiffon, Nîmes 1871.

Les œuvres charitables.

Parmi les œuvres anciennes, il nous reste à en faire connaître deux qui furent chacune le moyen dont Dieu se servit pour ramener à l’Eglise catholique des âmes nombreuses que l’hérésie n’aurait pas manqué de perdre à jamais.

La Providence.

L’épiscopat de Mgr Cohon est certainement l’un des plus fertiles en œuvres de tout genre. Il n’avait guère trouvé que des décombres en arrivant dans son diocèse ; à sa mort, il avait guéri presque toutes les plaies et relevé presque toutes les ruines. Ses successeurs n’eurent pour ainsi dire qu’à continuer et à fortifier ce qu’il avait commencé.

Toujours attentif au soulagement des besoins de ses diocésains, il semblait ne chercher, selon l’expression de notre historien Ménard, qu’à se faire un trésor dans le sein des pauvres par les établissements de charité les plus beaux et les plus louables. L’une de ces fondations fut l’œuvre de la Providence. Il l’établit le 3 mars 1668, et voulut qu’on y reçût, pour les instruire, les élever et pourvoir à leur nourriture et à leur entretien, les orphelins et autres pauvres enfants de l’un et de l’autre sexe qui, par l’infortune de leur naissance, se trouvent privés des secours de l’âme et du corps, et cela sans distinction de catholiques ou de religionnaires.

Quelque temps après, afin d’éviter les abus qui auraient pu se glisser dans la maison, on n’y admit plus que des filles. Pour soutenir sa fondation, Mgr Cohon donna comme premier fonds, et à perpétuité, une somme dé 20,000 livres, qui furent placés sur le diocèse, et il permit au conseil de la maison de faire faire tous les ans des quêtes générales dans toute l’étendue du diocèse, suppliant tous les membres du clergé de signaler leur zèle à recueillir les aumônes.

« C’est par là, dit Cohon en terminant sa lettre de fondation, que je prétends finir ma tasche et couronner ma course, sans perdre haleine toutefois, s’il fault aller plus loing, et m’appliquer à quelque chose de plus grand ou de plus difficile pour le bien de mon âme et pour la sanctification de mon troupeau, mais surtout pour la cause et la défense de l’Eglize.…. »

L’établissement de la Providence fut confirmé par acte notarié, du 6 février 1669. Cet acte porte les statuts pour les directeurs de l’œuvre et les constitutions pour la maison elle-même. Les administrateurs doivent former une compagnie de douze personnes ecclésiastiques ou séculières, parmi lesquelles on aura soin d’avoir toujours un ou deux magistrats, un avocat ou un notaire ou procureur ; le supérieur sera l’évêque de Nîmes et, en son absence, le vicaire général ; les officiers seront un directeur, un syndic, deux auditeurs, un receveur et un secrétaire ; tous ces officiers seront, au commencement et le premier mercredi de chaque année, choisis par l’assemblée et confirmés par l’évêque. L’assemblée se tiendra tous les mercredis, entre midi et une heure, dans le palais épiscopal ou dans la maison de la Providence ; aucune affaire d’importance n’y sera définitivement conclue que d’après les ordres de l’évêque.

L’assemblée, ouverte par le Veni Creator, délibérera d’abord sur tout ce qui touche le gouvernement, la direction et l’accroissement de l’œuvre, soit pour le spirituel, soit pour le temporel, elle s’occupera ensuite de toutes les bonnes œuvres qui regarderaient l’intérêt de la religion et des nouveaux convertis. On ne recevra dans la maison que des enfants qui se trouvent dans les conditions suivantes :

1° Ceux des pères morts dans le catholicisme et dont les mères, les parents ou les tuteurs seraient huguenots ;

2° les orphelins et autres qui sont catholiques ou qui désirent le devenir, quoiqu’ils n’aient pas l’âge de 12 ans pour les filles et de 14 ans pour les garçons, s’ils sont en danger d’être pervertis ou s’ils se trouvent dans la nécessité ;

3° les enfants dont les pères et mères nouvellement convertis sont pauvres et ne peuvent pas subsister sans assistance et sans la décharge de la nourriture et de l’instruction de leurs enfants.

Les membres de la compagnie sont invités à faire de fréquentes visites dans la maison, même au temps des repas, pour se rendre bien compte de toutes les nécessités de l’œuvre. Les enfants devront être instruits d’abord de tous les devoirs du christianisme et des mystères de la Foi, on leur enseignera, en outre, la lecture et l’écriture, et on leur apprendra un état selon leur capacité. Le travail, la prière doivent partager la journée ; les enfants s’approcheront des sacrements le premier dimanche de chaque mois et aux principales fêtes, de l’avis de leur confesseur ; l’œuvre étant sous la protection de la Providence divine, de la Très-Sainte-Vierge et de saint Denis, on célébrera d’un culte particulier la fête de Noël et le premier dimanche de chaque mois, en l’honneur de la Providence, les fêtes principales de la Sainte-Vierge et la fête de saint Denis.

Les vertus que recommande surtout le fondateur sont la charité, la modestie, la pauvreté, l’obéissance et le bon emploi du temps. Mgr Cohon permit, en outre, de recevoir dans la maison des pensionnaires et des externes pour y recevoir l’instruction , à la condition que les enfants auront les qualités requises. La première directrice de la maison fut Melle de Champeau, personne d’une grande vertu et d’une piété remarquable; elle fut installée dans son emploi, le 22 mai 1669, et dès lors la maison commença à recevoir des enfants. Plus tard, on en confia la direction aux sœurs du Saint-Enfant-Jésus, déjà chargées des écoles de la ville. Mgr Cohon chercha de tout côté des secours pour sa nouvelle fondation ; voyant qu’elle ne pouvait pas se suffire, il en augmenta la dotation de 3,000 francs pris sur ses propres biens (20 octobre 1670) et il obtint une pareille somme, le 30 avril 1678,de Marie-Félicie de Budos, marquise de Portes, personne recommandable par ses vertus et surtout par son inépuisable charité pour les pauvres.

Plus tard, M. Bouvière de Paris, secrétaire du roi, fit à la Providence un legs de 6,000 francs à prendre sur la terre de Dions ; l’assemblée du clergé vota une pension annuelle de 200 livres et l’Assiette promit annuellement une somme de 100 livres. Ces ressources unies à quelques aumônes et au travail des enfants permirent à l’œuvre de marcher quoique péniblement. L’œuvre de la Providence fut installée, le 20 juin 1669, dans la maison qui avait servi d’hôpital à ceux de la Religion prétendue Réformée. Ce bâtiment en mauvais état avait besoin de réparations considérables ; Mgr Cohon les entreprit, mais la mort l’empêcha de les terminer. Mgr Séguier hérita des sentiments de son prédécesseur pour l’œuvre de la Providence ; pour en assurer l’existence, il chargea son Vicaire général, M. de Laugnac, chanoine trésorier de la Cathédrale, d’aller à Paris, demander au roi des lettres patentes confirmatives de cet établissement.

Le roi les accorda à, Versailles, en mars 1686, à la condition que la maison ne pourrait jamais être changée en maison de profession religieuse,mais qu’elle demeurerait toujours en état séculier. Par ces lettres,le roi prit l’œuvre sous sa protection et sauvegarde et lui permit d’accepter et de recevoir tous dons et legs qui lui pour-raient être faits par donations entre-vifs, testaments ou autrement ; il voulut encore que la Providence pût acquérir maisons, héritages et autres biens, déclarant amortis ceux qui seraient compris dans l’enclos de la maison. Le roi termine ces lettres en se recommandant lui et sa famille aux prières quotidiennes de la communauté.

Les lettres patentes furent enregistrées au parlement de Toulouse, le 10 juillet 1686, à la cour des comptes, aides et finances de Montpellier, le 25 octobre suivant, et au présidial de Nîmes, le 24 janvier 1687. Ainsi constituée, l’œuvre de la Providence devait prospérer et s’accroître ; aussi la maison de l’ancien hôpital des religionnaires finit par ne plus suffire et il fallut songer à l’agrandir afin de la rendre et plus solide et plus commode, et d’y loger un plus grand nombre de filles. Mais un arrêt de la Cour des Grands-Jours, tenus à Nîmes en 1667, en avait adjugé la propriété à l’Hôtel-Dieu. Il fallait acquérir cette propriété ou se transporter ailleurs ; Mgr Fléchier fit proposer au bureau de l’Hôtel-Dieu que, s’il voulait faire cession de cette maison à l’œuvre de la Providence, sous une pension, on se mettrait en état de la faire rebâtir pour y loger les filles orphelines.